Recherches à l’élaboration d’un cinéma cosmo-symbiotique
Un mémoire trans et expérimental de
Camille Simon Baudry

Combien de larmes couleront encore face à l’horizon mort qui nous fait face ? Elles sont le signe de tant d’efforts dépensés pour faire bourgeonner en urgence ce nouveau monde dont nous avons besoin.
Quel serait ce monde ? Quelles seraient ces nouvelles formes ?
Alors que rien n’est fait et que tout est si fragile, ce mémoire propose de se plonger dans mes recherches récentes, et de les dépasser, à l’occasion d’un tournant décisif dans mon travail et dans mon regard que mon film La Respiration de Cristal incarne d’une manière certaine.
Ma recherche d’un cinéma cosmo-symbiotique (ou cinéma d’un « monde de vivants liés ») ne saurait se transmettre autrement que par la forme via laquelle elle est née : la navigation en arborescence, l’ouverture des possibles, la dialectique des mondes physiques et numériques et celle des savoirs existants avec ceux qu’il faut encore imaginer. Mais surtout, cette forme ne saurait limiter son lectorat à ses simples horizons, et se veut contenir en elle ses propres limites et son propre dépassement.
Cette façon de se profiler engage, par des techniques mixtes et décloisonnées, les modalités d’un espace sensible pour qui l’expérimente, propre à l’interrogation et à la dérive : à ce hors piste qui semble essentiel à l’élaboration d’un regard intersectionnel, environnemental et écologique.
Cette forme incluante, vivante, réceptive et mutante est un dédale de passion et d’efforts condensés. Elle se voue à être explorée, franchie, recoupée… Elle souhaite avant tout poser des questions, inviter au travail, à l’élaboration de ces formes nouvelles. Elle veut calmer nos larmes tétaniques dans un élan de promesses et de choses à construire, sans jamais savoir ce que ce point de fuite terrifiant nous réserve – tout juste les rapports du GIEC en dessinent un visage incertain, mais que seront nos cœurs s’ils subsistent ?
Face à cela, et dans le trouble immense qui nous entoure, où les enjeux se posent souvent dans des modalités inextricables, ou sous d’insatiables influences qui viennent volontiers les biaiser… Face à cette façon dont les nouvelles technologies, sous les élans du charbon et du pétrole, ont définitivement refaçonné notre manière d’être au monde, d’être sensibles aux matières, aux autres, au temps qui passe, ces recherches proposent d’explorer au fond quelques questions banales et les suggérer à d’autres organismes humains, sous un visage tout singulier, face à l’horizon mort qui nous fait face, dans l’espoir de faire grandir d’autres regards, d’autres corps, d’autres visions : Qui suis-je ? Qui sommes-nous ? Qui pouvons-nous être ?
Présentation et note d’intention
Il n’y a pas besoin d’être cinéaste pour me lire. Les réflexions que je mène sont avant tout celles d’un organisme vivant, interrogé par la situation critique dans laquelle nous sommes aujourd’hui, tentant d’élaborer dans mon domaine les agencements nouveaux, esthétiques et révolutionnaires, dont nous éprouvons aujourd’hui globalement la nécessité, face aux conséquences du carbocène (mais dont la nécessité actuelle est multimillénaire). Cet endroit commun, depuis lequel se posent tant de questions complexes, n’appelle pas la transmission d’un savoir particulier, mais davantage la contamination d’une interrogation : d’un souci nécessaire qu’il revient à chacun·e de porter, d’accoutumer à son corps, pour guérir ensemble nos imaginaires et construire le maillage des mondes qui seraient encore possibles. Tenter d’être une espèce digne.
Ainsi vient cette matrice que je propose par ce mémoire : ce blog, ces films, ces réflexions, ces musiques, ces références… Ce vaste carnet libre, plein de feuilles volantes, qui ne saurait se réellement refermer ou se contenir quelque part, et qu’il revient à chacun·e d’explorer, dans l’arborescences des liens et des lieux, et dans le bourgeonnement du monde qui ainsi se présente.
Cette forme est ouverte aux subjectivités qui veulent l’investir. Elle est ouverte aux sensibilités, qui peuvent en traverser les formes et les propositions au gré de leurs préférences, sélectionner les faces qui leur sont les plus pertinentes, pour élaborer, d’une façon propre et enrichie, une réponse sensible et intelligente à l’urgence qui est nôtre à se redéfinir.
Ce mémoire n’est pas un lieu d’instruction, de savoir ou de conclusion. Il est un espace de déambulation et de contamination, qui cristallise mes réflexions et mon itinéraire, depuis quelques maigres années, pour tenter d’être à la hauteur du monde dans lequel on m’a fait naître. Ce travail d’une vie, dans lequel il se peut que je me fourvoie, se doit d’être inscrit quelque part, dès maintenant, et mutualisé, afin d’être au plus vite enrichi, et dépassé, encore, encore… Ces recherches m’engagent, m’obligent, et invitent à en faire de même.

Introduction supplémentaire à la dimension manuelle et plurielle
Ce mémoire n’est pas composé de texte et d’images assemblées. Ce mémoire n’est pas tout à fait transmédia. Il est par-delà ça. Il est composé de tout ce qui fait son expérience. Il engage tout ce qui le trouble et tout ce qui le (re)définit. Tout juste a-t-il un point de départ, et un axe de rotation depuis lequel il se déploie. Mais il est voué à ne jamais se refermer.
Ce mémoire prend corps à être élargi, nouvellement connecté, nouvellement itéré. Il prend relief à être investi et interprété par des curiosités nouvelles, à être remué par des sensibilités propres. Il est voué à grandir et à se prolonger au sein de vos errances propres, de vos arborescences, de tout ce qui peut l’amener à s’étendre au sein d’une référence, d’une lecture citée ou non, d’un film, d’un événement, d’un bond dans le monde. Il prend sens à vivre à travers des expériences éminemment sensibles et non-reproductibles : Tout ce qui, ainsi, lui compose son organisme.
Cette ossature que j’offre ici, majoritairement immergée sous une constellation de liens annexes et connexes, est vouée à être incarnée, hybride. Elle ne prend de sens à exister seule, par elle-même. Ici, déjà, elle n’aurait guère de sens si elle n’était pas vouée à être parcourue par un organisme différent du mien, et surtout, à ainsi dépasser ces écrans.
Le partage de ces recherches inclut en lui les possibilités d’échos imprévisibles, et de rebonds qui, à votre intelligence et à vos sens, pourraient vous conduire d’une manière bien plus juste au travers de ces lacs imparfaits et trop souvent secrets dont les rives frôlent à peine ma raison.
Dans le monde dont nous faisons aujourd’hui l’expérience, de telles questions et de telles enjeux ne sauraient avoir de sens profond et actuel en n’étant pas explorés collectivement, et donc répondus, par et pour toustes, au travers d’itinéraires pluriels, s’affranchissant de ce squelette éclaté, ainsi déposé, pour trouver, entre les pages, digitales et physiques, où nous guide cette nécessité.
Ce mémoire a sans doute déjà commencé, d’autant plus si vous avez déjà consulté la bande-annonce ci-dessus. Il s’ouvrira plus proprement à votre exploration des liens ci-dessous. Il se déploiera plus proprement à l’expérience que vous ferez de la rencontre avec mon travail, mes recherches, mais surtout, avec tout ce qui les a inspirés et tout ce qui leur donne un souffle, à commencer par les réactions et les mouvements auxquels ils vous convieront.
Pour bien commencer, sans doute, il ne faut pas commencer dans l’ordre. Le sens de cet itinéraire, celui que nous prenons et celui qu’il prend pour nous, c’est déjà autre chose, c’est une relation. Pour l’ordre, nous verrons plus tard. Il n’y a pas à en donner pour le moment. Les images et les mots parlent assez.
Ouverture·s
Des lieux « natureculturels » – Filmer des paysages dans le trouble (Article, Paradoscope, 26 Avril 2022)
Quels paysages sont encore possibles ? – Vers un cinéma cosmo-symbiotique (Article, Paradoscope, 21 Mars 2021)
À ma surface (Film, 6min, Janvier 2022)
Revenir // Détour // Mémoire (Playlist, Youtube, depuis mi-2018)
Camille S. Baudry sur Vimeo (Vidéos en ligne, depuis 2019)
Dolomitic Melody (Clip vidéo, 6min, Juin 2022)
PARADOSCOPE (Blog, depuis fin 2017)
La Respiration de Cristal (Film, 33min, Été 2021)
mot de passe : respiration

Être sensible aux autres : question qu’un Amazone de Porto Rico, protagoniste de The Great Silence (J.Allora, G.Calzadilla, 2014), nous invite à sonder, s’interrogeant d’après ce qu’il sait et remarque des êtres humains – dont il peut notamment reprendre les schèmes vocaux. Quelle étrange manière de nous lier au monde avons-nous développé ? Qui sommes-nous ? Quelles autres façons de se lier et d’être sensible pouvons-nous grandir, en nos cœurs et autour de nous ?
« But I and my fellow parrots are right here. Why aren’t they interested in listening to our voices? »
Films dont sont tirées les illustrations
Our Merging hearts · Mars 2022 · 7 min
À ma surface · Janvier 2022 · 6min
La Respiration de Cristal · Été 2021 · 33 min
Ce mémoire a été coordonné dans le cadre de mes études à l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy et déposé au cours de l’année 2022-2023. Il a été réalisé avec l’aide et la direction de Vincent Gérard.
© Camille Simon Baudry · Tous droits réservés · 2022
Remerciements pour l’ensemble du mémoire
Vincent Gérard, Pauline Rigal, Baptiste Jopeck, Stefano Miraglia, l’Oise, Véronique Joumard, Xavier Garcia Bardon, Occitane Lacurie, Carlos Casas, Corinne Le Neün, Alejandra Riera, les arbres de la promenade Paul Cézanne et les rives de fin de Marne, Charlotte Charbonnel, Jee Yeongseo, Ziaire Trinidad Sherman, les nuages du Veneto, Pauli / Liu Baoyu, Arthur / Yaya Jalloux, les Dolomites, le vent, tous mes camarades de l’ENSAPC et de Fabrica Research Centre…
Cinéastes remercié·es dans mes films et mes articles depuis 2021 (sauf cité·es ci-dessus)
Masao Adachi · Chantal Akerman · Kenneth Anger · Katsumi Aoi · Govindan Aravindan · Shinji Aoyama · Bruce Baillie · Jean-Pierre Bekolo · James Benning · Stan Brakhage · Betzy Bromberg · Leos Carax · Shu Lea Cheang · Mary Helena Clark · Charlotte Clermont · Maya Deren · Victor Erice · Studio Ghibli · Jean-Luc Godard · George Greenough · Barbara Hammer · Sumiko Haneda · Arthur Harari · Hong Kong Documentary Filmmakers · Hou Hsiao-hsien · Hu Bo · Danièle Huillet & Jean-Marie Straub · Peter B. Hutton · Gakuryū Ishii · Jia Zhangke · Mani Kaul · Takeshi Kitano· Maria Klonaris & Katerina Thomadaki · Dominique Knowles · Teruo Koike · Akira Kurosawa · Sandra Lahire · Sonia Levy · Simon Liu · Sharon Lockhart · Rose Lowder · Sarah Maldoror · Babette Mangolte · Toshio Matsumoto · Jonas Mekas · Laura Mulvey · Pat O’Neill · Nobuhiko Ōbayashi · Shinsuke Ogawa & Ogawa Pro · Kohei Oguri · Ulrike Ottinger · Sergueï Paradjanov · Artavazd Peleshian · Franco Piavoli · Pen-ek Ratanaruang · Anne Rees-Mogg · Carole Roussopoulos · Daïchi Saïto · Makoto Satō (documentariste) · Carolee Schneemann · Hidenori Sugimori · Malena Szlam · Andreï Tarkovski · Trinh T. Minh-ha · Noriaki Tsuchimoto · Ana Vaz · Jean Vigo · Voyant Cinémathèque · John Waters · Wang Yuyan · Apichatpong Weerasethakul · Wong Kar-wai · Hiroshi Yamazaki · Edward Yang · Zhu Shengze